📦 Où sont les femmes dans la livraison ?

Dans les rues de Bruxelles, il suffit d’observer quelques minutes : scooters, vélos électriques, sacs géants aux couleurs criardes… mais quasiment aucune femme. Le constat saute aux yeux : ce business est massivement masculin. Reste à comprendre pourquoi.

L’explication la plus évidente, c’est l’image du métier. Dans l’imaginaire collectif, la livraison est perçue comme physique, risquée et marginale. Pas vraiment un job que les parents conseillent à leur fille après le diplôme. Et comme dans bien des métiers, l’absence de modèles féminins crée un cercle vicieux : on en voit peu, donc peu s’y projettent.

À cela s’ajoute la question de la sécurité. Livrer, c’est souvent rouler tard le soir, parfois dans des quartiers où l’on ne traîne pas volontiers seul·e. La circulation bruxelloise n’aide pas non plus : même les motards chevronnés savent qu’elle est tout sauf paisible. Pour beaucoup de femmes, cette combinaison – ville chaotique + horaires nocturnes – agit comme un repoussoir.

Il y a aussi le facteur de la précarité, souvent invoqué. Il est vrai que de nombreux livreurs viennent de situations où ils n’ont pas beaucoup de choix : étudiants étrangers, sans-papiers, chômeurs de longue durée. Mais il serait réducteur de résumer la profession à cette seule dimension. Certains hommes – et quelques rares femmes – se lancent par choix. Par goût de la liberté, parce qu’ils aiment pédaler ou conduire, parce qu’ils apprécient la flexibilité et l’idée de travailler sans patron sur le dos. C’est une minorité, mais elle existe, et elle complique un peu le cliché du « livreur contraint ».

Reste que, dans l’ensemble, les femmes en situation de précarité s’orientent plus volontiers vers d’autres secteurs : nettoyage, horeca, aide à domicile. Des boulots durs eux aussi, mais perçus comme plus stables, ou en tout cas moins exposés aux dangers de la route.

Enfin, il ne faut pas sous-estimer la culture du milieu. Les groupes WhatsApp de livreurs, les points de ralliement devant les fast-foods, le jargon, l’entre-soi… Tout cela donne une atmosphère très masculine, parfois même fermée. Pourtant, il faut souligner un paradoxe : quand une femme choisit malgré tout d’intégrer ce monde, elle est généralement bien accueillie. Pas de remarques déplacées, pas de harcèlement de trottoir. Au contraire, les autres livreurs la considèrent comme « une des nôtres ». C’est comme si le simple fait d’endosser le sac, de braver la pluie et le trafic, lui donnait une légitimité immédiate. Une forme de respect tacite, parfois même protecteur, qui n’existe pas toujours dans d’autres métiers très masculins.

Cela ne veut pas dire que les femmes sont totalement absentes. On en croise, ici et là, souvent étudiantes ou cyclistes convaincues. Mais elles restent l’exception qui attire l’œil, presque comme une rareté au milieu du flot de scooters pétaradants.

🎤 Témoignage : « Je ne voulais pas être serveuse »

Sarah, 24 ans, étudiante en master

« Je fais de la livraison à vélo depuis un an. Tout le monde m’avait dit : ‘Pourquoi tu ne prends pas un job de serveuse ?’ Mais j’avais envie d’un boulot où je pouvais gérer mes horaires, où je n’avais pas un patron sur le dos. Au début, j’avais peur de rouler la nuit, et parfois je me sens un peu seule dans ce milieu très masculin. Mais en réalité, les autres livreurs m’ont toujours respectée. C’est comme si le sac faisait office de passeport : tu l’as sur le dos, tu es des leurs. Et au final, j’aime pédaler, je découvre la ville autrement, et j’arrive à payer une partie de mon loyer. Pour moi, c’est un compromis : ce n’est pas parfait, mais c’est plus cool que beaucoup d’autres petits boulots étudiants. »

Alors, où sont les femmes ? Peut-être qu’elles attendent que les plateformes fassent un effort sur la sécurité, l’image et l’organisation. Ou peut-être qu’elles ont simplement d’autres priorités, d’autres choix. En attendant, la scène reste largement masculine. Et dans ce business où le client est roi, la reine se fait toujours attendre. 👑

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