Les plateformes de livraison à la demande, Uber Eats et Deliveroo en tête, ont bâti leur succès sur une illusion technologique : celle du système P2P (pair-à-pair ou loi De Croo) moderne, souple et libéral, où chacun serait libre de se connecter quand il veut, de livrer quand il veut, et d’être rémunéré à la course.
En réalité, ce modèle n’a plus rien de « participatif ». Il repose aujourd’hui sur un détournement massif du système P2P, alimenté par une armée de malheureux, c’est-à-dire des sans-papiers contraints de travailler clandestinement pour survivre.
Une économie parallèle organisée
Selon les estimations les plus prudentes, près de 80 % de la flotte de ces plateformes est composée de personnes qui ne sont pas les détenteurs réels des comptes qu’ils utilisent. Ces comptes sont loués, revendus ou prêtés par des indépendants frauduleux, souvent pour quelques centaines d’euros par mois.
C’est une économie parallèle, tolérée, parfois même encouragée en silence.
Les plateformes savent parfaitement ce qu’il se passe : elles ont accès à toutes les données de connexion, aux lieux de livraison, aux visages qui se succèdent sur les photos de profil. Pourtant, elles ferment les yeux. Pourquoi ? Parce que cette zone grise leur garantit une main-d’œuvre corvéable à souhait, sous-payée et remplaçable à volonté.

Le prix de la complaisance
Les primes par course ont chuté, les revenus ont baissé, et les livreurs « officiels » peinent désormais à atteindre un revenu décent.
Pour survivre, beaucoup travaillent douze heures par jour pour à peine 70 à 90 euros brut, sans aucune protection sociale. Ceux qui respectent les règles, déclarent leurs revenus et paient leurs cotisations, voient leurs efforts rendus vains par une concurrence déloyale interne artificiellement gonflée par des milliers de faux comptes.
Les plateformes, elles, y trouvent leur compte : plus de livreurs disponibles, donc moins de pression sur les prix et des marges bénéficiaires qui explosent.
Si le pot-aux-roses saute…
Ainsi, vous l’aurez compris, nous sommes face à
un modèle économique qui repose entièrement sur l’exploitation de la misère humaine, basé sur le travail au noir et la fraude à grande échelle.
Mais si demain, l’État décide de frapper fort, tout pourrait s’effondrer.
Une régulation stricte — à l’image de celle mise en place en Angleterre, où les plateformes doivent vérifier physiquement l’identité des livreurs et effectuer des contrôles internes réguliers — changerait radicalement la donne.
Uber Eats et Deliveroo seraient alors contraints de fonctionner avec leurs véritables livreurs indépendants, et non plus avec une main-d’œuvre fantôme.
Résultat : la flotte réelle tomberait probablement à 20 % des effectifs actuels.
L’équilibre de l’offre et de la demande serait bouleversé. Pour conserver un service viable, les plateformes seraient forcées de revaloriser les rémunérations, de stabiliser les conditions de travail et de revoir entièrement leur modèle économique.

Partir de Belgique ? Impossible.
Certains affirment que ces plateformes quitteraient purement et simplement le marché belge.
Nous pensons qu’il n’en est rien.
Uber Eats et Deliveroo ne peuvent pas quitter Bruxelles, car la capitale européenne représente pour elles une mine d’or en matière de données personnelles.

Derrière la façade de la livraison se cache un autre marché, bien plus lucratif : la collecte, la revente et l’exploitation prédictive des données de géolocalisation et de consommation.
Abandonner Bruxelles reviendrait à perdre un laboratoire stratégique, au cœur des institutions européennes, où se concentrent des milliers de décideurs, d’expatriés et de foyers à haut pouvoir d’achat.
Et cela, aucune de ces multinationales n’est prête à le faire.
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