Le constat est sans appel.
En 2025, mĂȘme en travaillant neuf Ă dix heures par jour, un livreur professionnel ne gagne plus que 130 euros bruts en moyenne.
LâannĂ©e derniĂšre, pour le mĂȘme effort, il atteignait encore 165 euros.
Une perte sÚche de plus de 20 % en un an, malgré lorsque les conditions de travail sont optimales :
scooter 125cc en parfait état, expérience, forme physique et connaissance du terrain.
La rĂ©munĂ©ration par commande a chutĂ©, câest un fait, mais le vĂ©ritable problĂšme, câest la baisse du volume de commandes.
đŠ Moins de clients, moins de courses
Les plateformes tournent au ralenti.
Depuis le mois de septembre, les livreurs observent une chute nette de la demande, en journée, comme en soirée.
De plus, les pĂ©riodes creuses en journĂ©es sâallongent, les temps dâattente entre deux livraisons explosent.
âAvant, Ă 14h00, jâavais encore deux ou trois commandes en file.
Aujourdâhui, tu peux attendre vingt minutes sans rien recevoir.â
â Youssef, 29 ans, livreur Ă Bruxelles depuis 2020.
Les clients commandent moins souvent, les frais augmentent et de nombreux restaurants mettent de plus en plus de temps Ă remettre les commandes aux livreurs.
RĂ©sultat : les livreurs tournent davantage Ă vide, et leurs journĂ©es sâallongent sans que le chiffre dâaffaires ne suive.

đ§Ÿ Des coĂ»ts fixes qui ne pardonnent pas
Les dĂ©penses, elles, nâont pas baissĂ©.
- Le litre dâessence dĂ©passe toujours 1,80 âŹ,
- Les pneus, les plaquettes et lâhuile coĂ»tent plus cher,
- Et les assurances restent élevées et augmentent chaque année
Un livreur dĂ©pense de 15 Ă 20 euros par jour rien quâen roulement.
Sur 130 ⏠encaissĂ©s, il ne lui reste souvent quâune centaine dâeuros avant cotisations sociales.
Ă ce rythme, mĂȘme les plus rapides ne dĂ©gagent plus de vrai bĂ©nĂ©fice.

đŹ La fatigue Ă©conomique du mĂ©tier
âLe travail est devenu alĂ©atoire.
Certains jours, tu fais un bon acceptable, mais dâautres, tu restes connectĂ© pour rien.
Câest ça le pire : tu donnes ton temps, ton Ă©nergie, et tâas aucune garantie.â
â Karim, 32 ans, livreur Ă Bruxelles depuis 2019.
Les livreurs doivent rester connectés plus longtemps pour compenser la baisse de la demande.
La fatigue, la pluie, le froid, les pannes, les attentes interminables : tout finit par peser.
Mais beaucoup continuent, par orgueil, par nĂ©cessitĂ©, ou simplement parce quâils refusent de lĂącher.
âïž Un modĂšle fragilisĂ©
Les plateformes prétendent que tout va bien, mais la réalité du terrain dit le contraire.
La demande ralentit, les coûts montent, et les livreurs sont les premiers à encaisser le choc.
Beaucoup commencent Ă envisager dâautres mĂ©tiers ou un retour Ă lâemploi classique.
Le boom de la livraison post-Covid est bel et bien terminé.
Aujourdâhui, ce secteur ressemble davantage Ă une Ă©conomie de survie quâĂ une opportunitĂ©.
đ§ StratĂ©gie : tenir, sâadapter, encaisser
Dans un contexte pareil, il ne reste quâune seule vraie stratĂ©gie : ĂȘtre fort.
Il faut ĂȘtre solide mentalement, sâorganiser, et accepter de travailler 10 heures par jour, parfois 7 jours sur 7 en couvrant des zones que nous nâavons pas lâhabitude de faire, en attendant que la situation se stabilise.
Câest une pĂ©riode de creux et seuls ceux qui ont le plus de volontĂ© tiendront jusquâĂ la remontĂ©e.
En outre, certains, Ă force de âtracerâ dans toute la ville pour rentabiliser chaque minute, deviennent de vĂ©ritables pilotes GP.
Leur scooter est devenu une extension de leur corps, chaque virage est calculé et chaque feu rouge anticipé⊠et brûlé.
Votre serviteur qui Ă©crit ces quelques lignes, travaille 7/7, 10h00 par jour et en est au stade oĂč, en surimpression sur son champ de vision, sont dĂ©finis les trajectoires possibles en courbes, les probabilitĂ©s de succĂšs ou de crash dans un virage serrĂ© et celles de se faire pincer ou non en cas dâinfraction routiĂšres⊠et elles sont nombreuses. Ce nâest pas par plaisir que je roule comme un pilote de Grand Prix et que je fais autant dâheures. Câest juste pour limiter la casse et essayer dâavoir un CA acceptable en fin de semaine.
Quoi quâil en soit, pour nous tous, la concentration, la maĂźtrise et la vitesse sont devenues des rĂ©flexes de survie Ă©conomique.

Conclusion
Les plus lucides le savent : la livraison est plus quâun sprint, câest un marathon de rĂ©sistance et parfois, une course GP sans fin.