Ces derniers mois, de plus en plus de livreurs font le même constat : les tensions avec certains commerçants augmentent. Retards, remarques méprisantes, gestes déplacés, agressivité verbale, parfois même des menaces à peine voilées. La situation est d’autant plus frustrante que le livreur, lui, n’est souvent responsable de rien. Il arrive quand l’application le lui demande, attend quand on le lui impose, et encaisse pourtant la colère.
Face à ce type de comportement, la réaction instinctive est compréhensible. Certains répondent verbalement, envoient le commerçant promener, cherchent à rétablir un minimum de respect. D’autres, plus à bout, sentent monter une colère beaucoup plus brutale. Dans certaines situations, le commerçant est tellement con que les plus virulents d’entre nous auraient envie de lui coller une droite. Vous voyez, non ? La bonne vielle droite des familles, celle qui remet bien les idées en place à tout le monde. Mais c’est précisément là que se situe le piège.
Pourquoi répondre ou s’énerver est toujours une erreur
Déjà, pour commencer, on est là pour bosser et faire du pognon. Le reste, et surtout ces conneries, on en a rien à foutre ! Entrer dans un conflit verbal avec un commerçant agressif est rarement une bonne idée. D’abord parce que le rapport de force est faussé. Le commerçant est chez lui, sur son lieu de travail, souvent entouré de collègues ou de clients. Le livreur, lui, est de passage, identifié, traçable, et dépendant de la plateforme.
En cas d’escalade, même verbale, le risque est toujours le même : plainte, signalement, mensonge, ou version des faits arrangée. Et dans ce genre de situation, le livreur part presque toujours avec un handicap. La plateforme n’enquêtera pas en profondeur. Elle tranchera vite, souvent contre celui qui n’a ni statut clair ni protection réelle.
Quant à la violence physique, il faut être clair : même si, émotionnellement, elle peut sembler compréhensible dans certains cas extrêmes, elle est juridiquement et professionnellement suicidaire. Un coup, même « mérité » dans l’esprit de certains, peut détruire une activité, un casier judiciaire vierge, et toute crédibilité future. Aucun soulagement immédiat ne compense ce genre de conséquences.

La stratégie la plus efficace : le désengagement total
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la réponse la plus forte n’est ni l’affrontement, ni la justification, ni même l’explication. La stratégie la plus protectrice est le désengagement immédiat, clair et assumé.
Rire légèrement, de manière presque lasse, ponctuer d’un simple « c’est ça, ouais », puis partir sans discuter, sans regarder, sans chercher à avoir le dernier mot. S’il il répond du genre « Pourquoi ?« , « Qu’est-ce qu’il y a ?« . Alors ne répondez même pas. Rien, pas un regard. Ce comportement peut sembler provocateur, mais il ne l’est pas. Il marque une chose essentielle : le mépris absolu.
Psychologiquement, ce type de réaction est extrêmement déstabilisant pour une personne agressive. Elle cherche une montée en tension, une opposition, une justification. Lui refuser cela, c’est lui retirer tout pouvoir sur la situation.

Pourquoi cette attitude fonctionne vraiment ?
D’abord parce qu’elle protège le livreur. Il n’y a ni insulte, ni menace, ni geste. Rien de reprochable, rien d’exploitable contre lui. Ensuite, parce qu’elle coupe court. Le conflit ne démarre pas, il meurt immédiatement faute d’interlocuteur.
Enfin, parce qu’elle remet implicitement chacun à sa place. Le livreur n’est ni un employé du commerçant, ni son souffre-douleur. Il est un prestataire de passage, et il agit comme tel. En refusant de se justifier ou de se défendre verbalement, il envoie un message clair : ce comportement ne mérite même pas une réponse. Et croyez-moi, face à ce genre de réponse décalée, le commerçant se sent vraiment très con.
Après l’incident, blacklistez le lieu. N’y allez plus, ça ne sert à rien. Vous ne perdrez rien, il y a des milliers de restos à BXL. En gros : rien à foutre !
Partir, c’est aussi se protéger à long terme
Quitter les lieux sans s’éterniser permet également de garder une trace mentale claire de l’événement. En cas de besoin — signalement à la plateforme, dépôt de plainte, témoignage ultérieur — le livreur pourra décrire les faits sans être lui-même impliqué dans une escalade.
C’est aussi pour cette raison que certains livreurs choisissent aujourd’hui de s’équiper d’une bodycam ou, à défaut, de garder une posture irréprochable. Pas pour provoquer, mais pour se couvrir. Dans un monde où la parole du livreur pèse peu, le calme et la retenue deviennent des armes.

Conclusion
Face à un commerçant agressif, la tentation de répondre est humaine. La tentation de se défendre est compréhensible. Mais l’expérience montre une chose simple : le conflit direct ne profite jamais au livreur … ni à personne d’ailleurs.
La stratégie la plus juste n’est pas la plus spectaculaire. C’est celle qui préserve. Un sourire ironique, une phrase neutre et le départ immédiat, sans regard, sans échange supplémentaire. Pas par faiblesse, mais par lucidité.
Dans un système où tout peut se retourner contre vous, partir calmement est souvent l’acte le plus intelligent qui soit.